Les Russes dans les mangas et les animes.

Comment les Russes sont représentés dans les mangas et les animes ?

Les Russes dans les mangas
Pays voisins, le Japon et la Russie ont eu des liens conflictuels et tendus dans l’histoire : guerre de 1904, Seconde Guerre mondiale, Guerre Froide, tensions pour les îles Kouriles… A partir de là on peut se demander comment les Russes sont représentés dans les mangas.

Les mangas durant la Guerre Froide : tension militaire, union des peuples et inspiration russe.

Avec la Guerre Froide, le Japon se retrouva entre deux blocs : L’allié étasunien d’un côté, et les rivaux chinois et russes de l’autre. En 1949, l’URSS obtint la bombe atomique. Déjà victime de bombardements atomiques en 1945, le Japon craint une guerre nucléaire. Cette tension et cette crainte se retrouvaient dans les mangas, mais les auteurs ont aussi composé pour l’union des peuples et n’ont pas rejeté la culture russe.

En 1951, Osamu Tezuka publia Nextworld où l’Union d’Uran et Améristar sont rivaux, ce sont en fait l’URSS et les États-Unis. Les représentants d’Uran ont le physique habituel des méchants de Tezuka, les Russes portent presque tous une koubanka de façon stéréotypée. Mais les deux puissances sont mises dos à dos dans la guerre.


En 1967, dans Phénix, l’oiseau de feu (tome 2, Les temps futurs), Tezuka situe l’histoire en 3404 où le monde est composé de 5 grandes puissances : Lumalues (l’Europe), Yu-Ok (les États-Unis), Pinking (la Chine), Yamato (le Japon) et Lenngud (l’URSS). Ces puissances sont dirigées par des ordinateurs géants : Alleluia pour les Japonais, Danuba pour l’URSS. Le commandant de Lenngud s’appelle Monita. Mais un jour Alleluia déclare la guerre à Danuba, ce qui déclenche une guerre nucléaire qui détruit les 5 puissances.


Pour son phénix, Tezuka s’inspira de la culture russe avec le film animé russe Le petit cheval bossu de 1947 où il y a un phénix et Ivan le sot, paysan naïf et gentil de contes russes.


Dans Demain les oiseaux de Tezuka (1971), les oiseaux se rebellent contre les humains et attaquent leurs systèmes politiques, y compris l’URSS.

L'URSS (Demain les oiseaux, 1971)

Dans les années 1970-1980, Lupin est confronté à l’URSS dans sa série animée :

Dans l’épisode The face of goodbye at the national border (1978), Lupin vole l’Aurora Drop, un diamant ornant le front de la ballerine Russe Monika. Durant le vol, Jigen est blessé et soigné par Monika. Jigen va aider Monika à quitter l’URSS.

Dans l’épisode Orders to destroy the atomic submarine Ivanov (1985), Lupin vole l’Ivanov, un sous-marin nucléaire de l’Union soviétique, pour récupérer un trésor englouti dans les Bermudes. Mais il est poursuivi par le KGB et la CIA.

Lupin et le sous-marin Ivanov (Lupin III, 1984)

En 1987, dans le film Cristal triangle, l’archéologue Koichiro Kamishiro et son équipe cherchent un message perdu de Dieu destiné à l’humanité. La recherche se fait entre CIA, KGB et services secrets japonais. L’un des agents du KGB est Grigori Effimovich, surnommé Urga, un archéologue russe, petit-fils de Raspoutine, le guérisseur Russe. A la fin il meurt en critiquant l’usage militaire de la science par l’URSS.

A la fin des années 1950, l’URSS était en pointe dans les voyages spatiaux avec Spoutnik 1 (1957), Luna 1 (1959).
En 1959, dans une histoire d’Astro Boy la cosmonaute Russe Mina Mikhailovna va sur la lune en 1960 avec le premier robot russe, Ivan. Ainsi en 1959, Tezuka imagine les Russes sur la lune 10 ans avant que les États-Unis y aillent pour la première fois. De plus, en japonais l’histoire s’intitule « Baka no Ivan » (Ivan le sot) en référence à Ivan le sot des contes russes.

Mina Mikhailovna et Ivan (Astro Boy, 1952)

En 1963, Shotaro Ishinomori lança le manga Cyborg 009 où 9 cyborgs de différentes nationalités affrontent une organisation criminelle. Parmi ces cyborgs, il y a Ivan Whisky, un Russe.

Ivan Whisky (Cyborg 009, 1963)

Pacifiste, Ishinomori créa ce groupe international en symbole d’union des peuples, et dès les premières pages il critique la guerre et une possible guerre nucléaire entre les puissances américaines et russes.

En 1986, dans Saint Seiya, Hyoga le chevalier du Cygne a une mère Russe, Natassia, et est ami avec Yakoff, un enfant Russe. Malgré les tensions de la Guerre Froide, Masami Kurumada intègre un chevalier d’origine russe dans ses héros.

En 1988, la série animée Gunbuster raconte la lutte des Terriens contre des aliens en 2023. L’héroïne est Noriko Takaya, une pilote de 16 ans qui veut venger son père tué par les aliens. Parmi les autres jeunes pilotes, il y a Jung Freud, une pilote soviétique. Son robot porte une faucille et un marteau, symboles de l’URSS. Au fil des épisodes, elle devient amie avec Noriko. On a ici un futur au-delà des régimes politiques les Terriens sont alliés contre des aliens.


En 1968, dans Attack No 1 (Les attaquantes en France), les volleyeuses Japonaises jouent contre l’équipe russe où il y a Shellenina. La rivalité des joueuses ne portent pas sur le plan politique, mais sur le plan sportif, car dans les années 1950, l’équipe féminine d’URSS dominait le volley-ball jusqu’à être détrônée par les Japonaises au début des années 1960.

Shellenina (Attack No1, 1969) (1)
Shellenina (Attack No1, 1969) (1)


Dans les années 1960-1970, Leiji Matsumoto s’inspira de l’esthétique vestimentaire russe avec le chapeau koubanka. En 1968, Matsumoto créa Hi no mori no Koshka (Koshka de la forêt de feu) et Natasha. Ces histoires se déroulent en Russie, et le physique des héroïnes est inspiré de celui de Lara Antipova du film Docteur Jivago de 1965 jouée par Julie Christie.

En 1977, Matsumoto lança le manga Galaxy Express 999 Maetel est inspirée de Marianne Hold, du film Marianne de ma jeunesse qu’il a vu en France en 1954. Son style rappelle celui de Koshka et de Natasha : long manteau et chapeau russe (koubanka).

En 1977, Tezuka adapta en manga Crime et châtiment de Fiodor Dostoïevski (1866).

Crime et châtiment (1977)
Crime et châtiment (1977)

Dans Banana Fish (1985), après l’assassinat de son épouse, Sergei Varishkov a quitté le KGB pour devenir tueur professionnel sous le nom de Blanca (le nom de son épouse).

Sergei Varishkov (Banana fish, 1985)
Sergei Varishkov (Banana fish, 1985)

Les mangas après la Guerre Froide : Russie post-soviétique, Poutine et intégration de personnages Russes.

Après la Guerre Froide, dans les mangas, des personnages Russes représentent la Russie post-soviétique entre changement et nostalgie. On trouve d’anciens agents du KGB, d’anciens militaires devenus tueur professionnels ou mafieux.
La série animée Gunsmith Cats (1995) met en scène Natasha Rodionov, ancienne agente du KGB qui, après l’effondrement de l’Union, est devenue une tueuse professionnelle.


En 2002, dans le manga Black Lagoon, il y a Balalaïka, de son vrai nom Sofiya Pavlovna. Balalaïka est une Russe à la tête d’une mafia, l’Hôtel de Moscou composée d’anciens militaires de l’armée rouge. Elle-même est une ancienne militaire qui s’est battue en Afghanistan dans les années 1970-1980 où elle fut blessée au visage qui en garde des cicatrices.

Balalaika (Black Lagoon, 2002)

En 1993, au tome 8 de Master Keaton, il y a deux histoires autour de l’URSS :
En 1962, deux adolescents voient les essais nucléaires à Semipalatinsk (Kazakhstan soviétique), le principal site d’essais nucléaires de l’URSS. Dès lors, ils se passionnent pour le nucléaire. Mais au début des années 1990, Serguei et Boris ne sont plus d’accord : Boris travaille sur le nucléaire militaire, tandis que Serguei est contre l’usage du nucléaire après avoir été témoin de la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine soviétique en 1986.

En 1973, 3 jeunes Russes se font la promesse d’être des hommes admirables. Puis en 1992, l’un de ces hommes est retrouvé mort. Un agent secret nommé Vent Rouge serait le coupable. Cette histoire se fait sur fond de chute de l’URSS entre nostalgie communiste et libéralisme du système.

La Russie post-soviétique (Master Keaton, 1988)

La Guerre Froide terminée, l’image du Russe ne correspond plus à celle d’un agent ennemi, ni même à celle d’un Russe en transition post-soviétique, mais est devenue celle d’un personnage comme un autre, avec ses qualités, ses défauts, ses caricatures, à l’image de la fascination pour Poutine.

Dans le film animé Lupin III – From Russia with love (1992), Lupin rencontre le petit-fils de Raspoutine qui peut lire les pensées des gens, prédire leur avenir. Raspoutine cherche l’or de Nicolas II qu’il aurait laissé après sa fuite à l’étranger en 1917.

Raspoutine (Lupin III - From Russia with love, 1992) (2)

Dans le manga Durarara (2009), il y a Simon Brezhnev, un Russe venu au Japon aider un ami Russe qui dirige un restaurant aux plats inhabituels : sushis au borchtch, caviar de saumon.

Simon Brezhnev (Durarara, 2009)

En 2008, Hetalia est un manga qui anthropomorphise des pays durant les deux guerres mondiales dont l’URSS avec Ivan Braginski. Il est le plus grand personnage de la série car la Russie est le plus grand pays du monde. Il aime la vodka, les tournesols et les endroits chauds, car il a toujours souffert à cause de l’hiver russe. Il aimerait que les autres nations ne fassent qu’un avec lui. Son anniversaire est le 30 décembre, correspondant à la création de l’URSS le 30 décembre 1922.

Ivan Braginski (Hetalia, 2009)
Dans Haikyu (2012), Lev Haiba est un volleyeur Japonais qui a un parent Russe.

Lev Haiba (Haikyu, 2012)

Dans Assassination classroom (2012), il y a Irina Jelavic la professeure d’anglais, qui est tueuse professionnelle Russe sous couverture.

Irina Jelavic (Assassination classroom, 2012)
En 2016, dans Yuri on ice, le patineur Japonais Yuri Katsuki est entrainé par le champion Russe Victor Nikiforov, dont le coéquipier est Yuri Plisetsky. Il y a d’autres Russes comme Mila Babicheva.


En 2016, le manga Dumbbell nan-Kilo moteru ? raconte l’histoire de lycéennes à la salle de sport. Parmi elles il y a Gina Boyd, une Russe, qui pratique le sambo, art martial russe. Elle véhicule les stéréotypes russes, comme les mèmes du président Vladimir Poutine où il chevauche des animaux.


En 2015, l’auteur Yasushi Baba a fait le manga Golosseum où il y a le président Putinov, en référence à Poutine.

President Putinov (Golosseum, 2015)

En 2018, Yasushi Baba revient avec Ride-on king. Alexandre Ploutinov est président de la République de Prussie, à vie. Il aime chevaucher des animaux, des machines, et sa nation. Un jour il est tué dans une attaque terroriste, et se réveille dans un monde médiéval-fantastique. Dans ce monde, il va chevaucher des créatures fantastiques. Ici l’auteur joue sur les mèmes où Poutine chevauche des animaux.


Dans Shy (2019), il y a un super héros par pays, et l’héroïne Russe est Pepesha Andreanof sous le nom de Spirits. Elle est comme une grande sœur et une mentor pour Shy l’héroïne Japonaise. Elle est très portée sur l’alcool, ce qui peut être stéréotypé sur les Russes et la vodka.

Au sujet de la Russie, les mangas et les animes traitent aussi de sujets anciens, donc qui ne sont pas contemporains de l’écriture.

En 1997, le film animé Bakumatsu no Spasibo montre la signature du traité de Simodsk en 1855, le premier accord diplomatique entre Japon et Russie. Le film présente l’ambassadeur Russe, l’amiral Evfimi Poutiatine.


En 2008, le manga Bride Stories suit des familles d’Asie centrale au XIXème siècle sur fond de Grand Jeu, la rivalité coloniale entre Russie et Angleterre.

Bride stories (2008) (0)
Bride stories (2008) (0)

En 2014, le manga Golden Kamui revient sur la guerre entre le Japon et la Russie en 1904-1905, les tensions autour des îles Sakhaline, le tsar Alexandre II, la situation des Aïnous entre les deux pays…

Il y a également des adaptations en mangas de romans russes, comme Crime et châtiment, Les frères Karamazov.

En une soixantaine d’années, les mangas et les animes se sont adaptés aux évolutions politiques de la Russie. Ils ont intégré l’URSS tantôt comme une puissance nucléaire, tantôt dans une vision pacifiste sur fond de crainte de guerre nucléaire. Puis ils ont traité la chute de l’URSS et ses conséquences. Depuis les années 2000-2010, les personnages Russes sont intégrés dans les mangas comme personnages principaux, caricaturaux.

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