Les mangas de judo.

De la fin de l’occupation américaine aux Jeux Olympiques, comment le judo et les mangas ont évolué .

Yawara et Jigoro (Yawara, 1986)Le Japon est le pays le plus titré au judo, art martial purement japonais, il est logique de retrouver un engouement pour cela dans les mangas.

Le judo (la voie de la souplesse) est un art martial créé en 1882 au Japon par Jigoro Kano (1860-1938). En 1895, le Dai Nippon Butoku Kai (Association pour les arts martiaux du grand Japon) fut créé. C’était une organisation ayant pour but de préserver les arts martiaux japonais. Il fut nationalisé en 1942 et devint un puissant instrument de propagande pour l’expansion militaire japonaise en Asie.
Après la défaite japonaise de 1945, les États-Unis interdirent les arts martiaux, dont le judo, qui étaient, selon eux, vecteurs de violences et de militarisme. Ainsi l’organisation de judo fut démantelée par l’armée américaine qui occupait le pays. Le judo fut en partie interdit (le championnat national fut encore en cours), mais en 1950 il revint dans le cadre scolaire.
En 1951, le traité de San Francisco fut signé, et en 1952, les États-Unis retirèrent leurs 350 000 soldats posté au Japon, mais laissèrent quelques bases militaires. En 1953, le Dai Nippon Butoku Kai fut rétabli, mais dans un but seulement éducatif. Les arts martiaux revinrent dans le paysage culturel japonais.
Dans le judo, il y a la notion de jita kyoei, c’est l’entraide et la prosperité mutuelle. Si on fait une comparaison un peu poussée c’est ce qu’on retrouve entre judo et mangas, deux arts qui évoluent ensemble.

Les premiers mangas de judo.

Dans ce contexte, Eiichi Fukui (1921-1954) lança en 1952, le manga Igaguri-kun dans le magazine Boken’o (Royaume de l’aventure) : Igaguri, un collégien judoka, utilise ses compétences pour la justice.

Avec le succès de Igaguri-kun, puis le premier championnat du monde masculin de judo en 1957, et l’entrée du judo masculin aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, de nombreux mangas de judo virent le jour : Raion-kun et Daruma-kun dans les années 1950, Tatsumaki-kun (1957).

Kurayami go dan (1963), Harisu Mudan (1965), Judo icchokusen (1967), Judo Sanka (1972).

En 1964, le judo olympique fut en couverture du Weekly shonen sunday, ce qui montre l’importance de l’événement sur le plan des mangas.

Jeux Olympiques de Tokyo de 1964 (Weekly Shonen Sunday 43, 18 octobre 1964)
Jeux Olympiques de Tokyo de 1964 (Weekly Shonen Sunday 43, 18 octobre 1964)


En 1968, Ippei Kuri lança le manga Kurenai Sanshiro, qui arriva en version animée en France en 1983 sous le nom de Judo Boy. Mais Sanshiro ne fait pas de judo, mais du ju-jitsu. Il était peut-être plus simple, à l’époque, de parler de judo que de ju-jitsu pour le grand public.

Kurenai Sanshiro (1968)
Kurenai Sanshiro (1968)

D’autres mangas furent publiés : Dainoji ga iku (1980), Dokkoi Damashii (1980), AA Ichiro (1980), Kotaro Makarito (1980), Viva judo young gang (1992).

Le judo féminin en mangas.

En 1980, le championnat du monde de judo féminin eut lieu. En 1986, le judo féminin eut son championnat national au Japon. Le judo féminin fut adopté en démonstration aux Jeux olympiques de Séoul de 1988, puis fut officiellement en place aux Jeux olympiques de Barcelone de 1992. En 1984, Kaori Yamaguchi fut la première Japonaise à gagner le tournoi mondial. Elle participa aux Jeux Olympiques de 1988 et fut médaillée de bronze.

Kaori Yamaguchi
Kaori Yamaguchi

En 1986, Naoki Urasawa lança le manga Yawara dans le magazine Big comics spirits de 1987 à 1993. L’histoire met en scène Yawara Inokuma, une fille douée pour le judo. Son grand-père veut en faire une championne en vue des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, mais elle veut vivre la vie d’une adolescente normale. Le grand-père de Yawara s’appelle Jigoro Inokuma, en référence à Jigoro Kano. L’histoire compilée en 29 volumes fut vendue à 30 millions d’exemplaires.


Sur internet, différents articles disent que Yamaguchi inspira Naoki Urasawa pour Yawara, mais je n’ai rien trouvé de la part d’Urasawa. Mais en 1984, le judoka Yasuhiro Yamashita reçut le prix d’honneur la nation suite à son palmarès (champion national, champion du monde, médaillé d’or en 1984), et Urasawa s’inspira en partie de ce judoka pour Yawara. *

Yasuhiro Yamashita
Yasuhiro Yamashita


En 1994, Urasawa publia le manga Jijoro, centré sur la jeunesse de Jigoro Inokuma dans les années 1930.

Jigoro (1994)
Jigoro (1994)


En 1989, une série animée adapta Yawara, puis un film dans lequel jouèrent Yasuhiro Yamashita et Kaori Yamaguchi.

Yawara (1989)
Yawara (1989)


En 1990, la judoka Ryoko Tani remporta le tournoi international de Fukuoka. Dès lors elle fut surnommée Yawara-chan au Japon en référence à l’héroïne d’Urasawa. Son palmarès continua : championne du monde 6 fois de suite (1993-2003), aux Jeux Olympiques ; médaillée d’argent en 1992 et 1996, médaillée d’or en 2000 et 2004, médaillée de bronze en 2008.

Ryoko Tani
Ryoko Tani


Dans les années 1990, la judoka Yuko Emoto brilla sur la scène olympique et asiatique, et fut la première judoka Japonaise médaillée d’or en 1996 à Atlanta. Lorsqu’elle était jeune elle lisait le manga Judobu monogatari par Makoto Kobayashi (1985). En 2016, Yuko Emoto rencontra Kobayashi et ensemble ils réalisèrent le manga JJM Joshi judobu monogatari inspiré du parcours de la judoka.

Le judo paralympique.

En 2019, la NHK (la télé publique japonaise) réalisa de courts dessins animés sur le handisport. Le mangaka Katsutoshi Kawai rencontra la judoka Junko Hirose, médaillée d’argent aux Jeux paralympiques de 2016.

Junko Hirose
Junko Hirose


A partir de cet entretien, il réalisa un dessin animé : Hikari, une judoka, perd la vue à 90%, mais reprend le judo quand même.

https://www3.nhk.or.jp/nhkworld/fr/ondemand/video/6027006/

Le judo comme élément scénaristique.

Le judo s’intègre bien dans l’univers du manga, notamment avec le shonen, car l’auteur peut y inclure le voyage du héros avec l’évolution des personnages (les ceintures, les catégories) mais aussi les tournois, éléments importants dans les shonens. C’est ce que l’on retrouve avec Uchikomi, l’esprit du judo en (2013).

Uchikomi, l'esprit du judo (2013) (édité en France en 2020)
Uchikomi, l’esprit du judo (2013) (édité en France en 2020)

Sources :

* Naoki Urasawa. Récits, dessins et confidences, 2017.

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